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Audiences virtuelles : principes d’orientation

Déclaration du Comité d’action

Notre comité existe afin d’appuyer les tribunaux canadiens dans leurs efforts en vue de protéger la santé et d’assurer la sécurité de tous les usagers des tribunaux dans le contexte de la COVID-19, tout en respectant les valeurs fondamentales de notre système de justice. Ces engagements qui se soutiennent mutuellement guident tous nos efforts.

Question et contexte

En mars 2020, les tribunaux du Canada et du monde entier ont suspendu toutes les, sauf les plus urgentes, en réponse à la pandémie du nouveau coronavirus. Pour poursuivre leurs opérations, les tribunaux canadiens ont rapidement commencé à tenir des audiences virtuelles grâce à des plateformes de téléconférence et de vidéoconférence. Depuis lors, les tribunaux se sont adaptés aux diverses vagues de la pandémie en variant le mode de tenue des audiences, recourant aux comparutions en personne, virtuelles et hybrides (certains participants étant physiquement présents au même endroit, comme une salle d’audience, tandis qu’un ou plusieurs participants y assistent par téléphone ou vidéoconférence).

De manière plus générale, la crise de santé publique a forcé les tribunaux à apporter des changements sans précédent, créant ainsi l’élan nécessaire à la modernisation du système de justice. À court et à moyen terme, les audiences virtuelles continueront d’être utilisées pour réduire les engorgements et les délais judiciaires causés par la pandémie. Parallèlement, il se dégage un consensus croissant en faveur de la poursuite des audiences virtuelles après la pandémie, en complément des audiences en personne, afin d’améliorer l’accès à la justice et l’efficacité des tribunaux.

Le présent document énonce des principes d’orientation pour aider les tribunaux et les parties prenantes du système de justice tandis qu’ils envisagent l’usage des audiences virtuelles à l’avenir. Bien que certaines audiences puissent avoir lieu par téléphone, ces principes ont été rédigés dans l’optique des audiences virtuelles tenues par vidéoconférence. Ils viennent compléter les Enjeux opérationnels en matière d’audiences virtuelles du Comité d’action. Pour éclairer ces publications, le Comité d’action a consulté des cours d’appel, des cours supérieures et des cours provinciales et territoriales à l’échelle du pays. Il a aussi analysé les sources canadiennes et internationales établissant les paramètres des audiences virtuelles ou traitant de leur efficacité.

Principes d’orientation

Les audiences virtuelles ont été cruciales pour permettre aux tribunaux du Canada d’assurer leurs services fondamentaux au cours des deux dernières années marquées par les bouleversements et l’incertitude. Le recours accru à ce mode d’audience s’étant avéré bénéfique pour certains et difficile pour d’autres, les tribunaux doivent maintenant chercher à tirer parti de cette occasion de manière à favoriser l’accès à la justice et le respect des droits fondamentaux, tout en réduisant la pression à long terme sur le système de justice découlant de la pandémie. À cette fin, la magistrature pourrait envisager d’adopter les principes d’orientation suivants en matière d’établissement de politiques ou de pratiques relatives au mode d’audience pour différents types d’affaires et de participants.

1. La raison d’être du système de justice est de servir les gens
  • Aux fins de la détermination du mode de tenue d’une audience et en cas de répercussions opposées, l’accès à la justice, les droits fondamentaux, l’équité procédurale et l’intégrité du processus judiciaire devraient globalement avoir préséance sur l’efficacité procédurale. Ce principe s’applique particulièrement aux audiences sur le fond où le tribunal se prononce sur les droits d’une personne ou dans le cadre desquelles des considérations relatives à l’intérêt public sont en jeu.
2. Il n’existe pas de solution universelle
  • Les instances tenues par voie virtuelle auront différentes conséquences en fonction du niveau de cour, du type d’affaire et d’instance, du type de technologie utilisé ainsi que des besoins et de la situation des participants aux audiences. Un aspect peut paraître avantageux dans certains cas mais jouer contre le recours à une audience virtuelle dans d’autres. Aucun mode d’audience n’est universellement approprié.
  • Il se peut que les besoins d’un justiciable diffèrent selon sa situation ou la sous‑population dont il est issu. Par exemple, si celui-ci est détenu, n’est pas représenté par un avocat, est autochtone ou issu d’une communauté racisée ou marginalisée, est d’âge mineur, est aux prises avec un handicap ou un problème de santé mentale ou bien parle la langue d’une minorité, cela pourrait influer sur le choix du mode d’audience. Selon le cas, ces mêmes facteurs identitaires peuvent militer en faveur d’une audience virtuelle ou d’une audience en personne.
  • Pour que la justice soit perçue comme ayant été rendue, les communautés doivent la ressentir. Dans les communautés autochtones en particulier, on reconnaît depuis longtemps l’importance de rendre justice au sein des communautés, afin d’assurer un véritable accès à la justice et de prendre dûment en compte les circonstances de chaque communauté. À cette fin, bien que l’adoption de solutions technologiques puisse rendre la justice plus accessible pour certains membres de communautés rurales, éloignées ou par ailleurs mal servies, une centralisation excessive risquerait de creuser davantage le fossé entre le système de justice et les communautés que celui-ci doit servir.
3. La technologie est un outil et non une fin en soi
  • Reproduire les processus inefficaces avec de nouvelles technologies ne réglera pas les problèmes sous-jacents – un processus devrait se voir transposer au mode virtuel seulement s’il a été confirmé que le recours à ce processus sert un objectif valide. Comme le passage aux audiences virtuelles en réponse à la pandémie s’est fait hâtivement vu les circonstances, il serait judicieux de revoir les processus adoptés lors des premiers jours de la pandémie avant de décider lesquels seront maintenus à long terme.
  • Au moment de déterminer l’équilibre approprié entre les audiences virtuelles et les audiences en personne, il faut tenir compte de l’incidence que la technologie est susceptible d’avoir sur l’établissement et le maintien de relations entre les parties prenantes et avec les justiciables. L’importance que revêtent ces relations, par rapport à d’autres facteurs, variera à la fois selon la nature de l’affaire et les besoins particuliers des justiciables. Par exemple, les justiciables non représentés ou les témoins aux prises avec un problème de santé mentale pourraient avoir un besoin accru d’entretenir une relation personnelle avec le tribunal ou d’autres parties prenantes.
  • Les tribunaux et les partenaires du système de justice sont invités à envisager les effets qu’aura l’utilisation accrue des technologies sur le soutien destiné aux personnes marginalisées. Pour qu’elles accroissent l’accès sans créer de nouveaux obstacles, les technologies doivent s’ajouter aux soutiens en personne et non s’y substituer.
4. Pour adopter efficacement les audiences virtuelles, il faut faire les choses différemment
  • Dans la détermination du mode d’audience, il faut songer à appliquer une approche axée sur les personnes. Une telle approche suppose la recherche et la prise en compte des expériences et des points de vue de différents groupes qui ont affaire aux tribunaux, en mettant l’accent sur les usagers finaux (p. ex. les justiciables, les témoins et le public). Ce faisant, il faut se rappeler que les gens n’ont pas tous la même expérience du système de justice et qu’il est important de consulter un éventail de personnes reflétant différents vécus.
  • Les changements doivent s’inscrire dans une approche structurée de leadership et de gestion du changement. À cet égard, les pratiques exemplaires consistent notamment à inclure les parties prenantes dans le processus, à mener des consultations fréquemment et à grande échelle, à introduire les changements de façon graduelle, et à être disposé à s’adapter au fil des leçons apprises et de l’évolution de la technologie et des points de vue des gens. Pour de plus amples renseignements sur cette approche, veuillez consulter les principes d’orientation sur le leadership et la gestion du changement au sein des tribunaux du Comité d’action.
  • Il se peut que l’adoption de technologies nécessite la modification des rôles et responsabilités des juges, du personnel judiciaire et d’autres parties prenantes du système de justice. Dans cette optique, il peut s’avérer nécessaire de déterminer si certains rôles de soutien remplis par des organismes familiaux ou communautaires devraient plutôt être assignés à un personnel désigné au sein du tribunal ou d’autres institutions reliées au système de justice.

Ressources

Voici une liste non exhaustive des lignes directrices produites par des tribunaux canadiens, ainsi que des rapports de professionnels du droit, au sujet des audiences virtuelles.

Publications connexes du Comité d’action

Audiences virtuelles : Sujets d’étude à approfondir

Audiences virtuelles : Enjeux opérationnelles – Avantages et défis

Audiences virtuelles : Liste de contrôle des facteurs pertinents à la détermination du mode d’audience

Lignes directrices de tribunaux canadiens

Cour suprême de la Colombie-Britannique, COVID-19: Manner of Attendance for Civil and Family Proceedings (en anglais seulement)

Cour suprême de la Colombie-Britannique, COVID-19: Method of Attendance for Criminal Proceedings (en anglais seulement)

Cour supérieure de justice de l’Ontario, Lignes directrices : le mode de tenue des instances – criminelle, civile, familiale, petites créances

Cour supérieure de justice de l’Ontario, Règles d’étiquette en salle d’audience virtuelle

Pour consulter une liste plus complète de ressources et de guides de référence sur les audiences virtuelles, voir le répertoire du Comité d’action sur les outils et ressources pour les usagers et le personnel des tribunaux

Rapports du système juridique

Association du Barreau canadien, Point de non-retour : Rapport du groupe de travail de l’ABC sur les enjeux juridiques liés à la COVID-19

Association du Barreau canadien (division Colombie-Britannique), Who’s Getting left Behind? The Impact of the Ongoing Digital Transformation of the Court System on Access to Justice in British Columbia (en anglais seulement)

Association du Barreau canadien (division Nouvelle-Écosse), Exploring the Impacts of Virtual Court on Marginalized Individuals (en anglais seulement)

Law Society of British Columbia, Responding to COVID-19 and adjusting regulation to improve access to legal services and justice (en anglais seulement)

Alberta Law Foundation, Remote Legal Services to Low-Income Albertans: Challenges and Best Practices (en anglais seulement)

La Société des plaideurs, The Right to be Heard: The Future of Advocacy in Canada (en anglais seulement)

Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, Cowan Internship Project, “Listening and Responding to the Future of Virtual Court: A Report on the future of Virtual courts in Canada” (en anglais seulement)