Audiences virtuelles : sujets d’étude à approfondir
Déclaration du Comité d’action
Notre comité existe afin d’appuyer les tribunaux canadiens dans leurs efforts en vue de protéger la santé et d’assurer la sécurité de tous les usagers des tribunaux dans le contexte de la COVID-19 tout en respectant les valeurs fondamentales de notre système de justice. Ces engagements qui se soutiennent mutuellement guident tous nos efforts.
Sujets d’étude à approfondir
Au cours des deux dernières années, les tribunaux du Canada et du monde entier ont tenu des audiences virtuelles dans un large éventail de circonstances. Comme le Comité d’action l’a souligné dans ses publications exposant des Principes d’orientation et des Enjeux opérationnels en matière d’audiences virtuelles, il commence à y avoir consensus sur bon nombre des questions qu’un tribunal doit se poser pour déterminer le mode d’audience. Ainsi, on reconnaît que les audiences virtuelles ou en personne peuvent tantôt favoriser tantôt entraver, à certains égards, l’accès à la justice. Cela étant dit, certains aspects demeurent relativement inexplorés ou n’ont pas encore fait l’objet d’un consensus. C’est pourquoi le Comité d’action a cerné les sujets suivants qui pourraient être approfondis, alors que les tribunaux canadiens continuent de déterminer le rôle des audiences virtuelles dans leurs activités futures.
1. Questions liées à la preuve dans les audiences virtuellesIl pourrait être justifié d’étudier en profondeur les défis et les avantages associés à la gestion des éléments de preuve, quels qu’ils soient, dans les audiences virtuelles, y compris :
- les preuves matérielles, telles que les documents, les photographies et les pièces à conviction;
- la preuve testimoniale, y compris la capacité du tribunal à évaluer la fiabilité et la crédibilité, la capacité ou la volonté des individus à témoigner, et les répercussions différentielles du mode d’audience sur différents types de témoignages (p. ex. les témoins profanes par rapport aux témoins experts, les témoignages narratifs par rapport aux témoignages essentiels).
Les avis divergent quant à savoir si les avocats peuvent défendre efficacement leurs clients dans un contexte virtuel. Il serait utile de collecter des données supplémentaires pour dresser un tableau fondé sur des faits qui indiquerait comment, et dans quelle mesure, une plaidoirie efficace serait possible en mode virtuel, en particulier dans un contexte d’audiences hybrides où une partie comparaît en personne et l’autre à distance.
3. Résultats des audiences virtuelles par rapport aux audiences en personneMême si certains pays qui recourent aux audiences virtuelles depuis plus longtemps que le Canada, comme le Royaume-Uni, ont commencé à publier des études sur la question, des études supplémentaires pourraient être menées sur les résultats et les effets comparatifs des audiences virtuelles, hybrides et en personne pour divers types d’affaires et de procédures. Cela pourrait inclure, par exemple :
- un suivi des taux de règlement comparatifs et des délais connexes pour le règlement judiciaire des différends (RJD) virtuel ou en personne dans différents types d’affaires – incidemment, certaines juridictions ont signalé des taux de règlement semblables ou supérieurs dans des contextes virtuels, tandis que d’autres ont noté des taux inférieurs par rapport au RJD en personne;
- un suivi comparatif des délais de progression des dossiers et des taux de règlement dans l’ensemble et à différents stades des procédures judiciaires;
- un suivi des résultats comparatifs des procès et d’autres audiences sur le fond.
Les renseignements anecdotiques recueillis à ce jour révèlent que l’attrait et l’efficacité relatifs des audiences en personne par rapport aux audiences virtuelles peuvent varier considérablement pour certains groupes tels que les justiciables non représentés, les victimes d’actes criminels, les accusés, les familles et les enfants. En outre, les personnes autochtones, les nouveaux arrivants issus de milieux culturels différents ou les personnes ayant vécu des expériences différentes peuvent vivre les audiences virtuelles différemment. Il est donc justifié de surveiller davantage les effets des audiences virtuelles sur ces différents groupes, ainsi que sur l’efficacité des mesures d’atténuation mises en place pour relever certains des défis qui peuvent survenir dans un environnement virtuel.
5. Effets sur les communautés rurales et éloignéesDes recherches plus poussées sur les effets de la centralisation des audiences et des services judiciaires permettraient de déterminer si l’utilisation accrue des technologies à distance pour rendre la justice a eu un effet positif ou négatif net sur les communautés rurales et éloignées.
6. Avenir du principe de la publicité des débats judiciairesUne fois que les tribunaux auront retrouvé leur pleine capacité d’accueil en personne, ils devront décider du niveau d’accès virtuel aux audiences qui devrait rester accessible au public, en particulier dans les tribunaux de première instance. On peut se demander, par exemple, si l’accès virtuel devrait être limité, soit par principe, soit par décision judiciaire, dans les cas où il peut avoir des effets négatifs, par exemple sur les témoins vulnérables ou sur la capacité du tribunal à faire respecter les règles d’accès.
7. Enjeux de vie privée, de sécurité et de confidentialitéDes questions subsistent quant à la meilleure façon de protéger la vie privée, la sécurité et la confidentialité dans les audiences virtuelles ou lorsqu’on offre au public un accès virtuel aux audiences. Une étude plus approfondie à cet égard aiderait les tribunaux à savoir comment pondérer ces préoccupations lorsque les questions de santé et de sécurité liées à la COVID-19 ne feront plus partie de l’équation.
8. Effets des audiences virtuelles sur les participants ayant besoin d’interprétationUn suivi plus poussé des résultats comparatifs des affaires dans lesquelles l’interprétation est utilisée, soit en personne soit à distance, aiderait à comprendre un certain nombre de facteurs, notamment :
- l’incidence de la technologie disponible sur la qualité de l’interprétation;
- la capacité de la technologie disponible de permettre l’interprétation simultanée et/ou consécutive, et l’incidence du mode d’interprétation sur les participants et le processus;
- l’incidence relative sur l’interprétation du fait de voir l’orateur en personne ou à l’écran.
Bien que l’utilisation d’audiences virtuelles pour les personnes détenues soit prometteuse, on pourrait devoir adopter de nouveaux protocoles, procédures et compétences du personnel au sein des services policiers et correctionnels afin que l’utilisation de la technologie à distance respecte la vie privée, la confidentialité et l’équité procédurale pour ces justiciables.
10. Effets des audiences virtuelles sur les rôles et responsabilités des professionnels du secteur de la justiceLes personnes qui travaillent dans les tribunaux, ainsi que celles qui occupent des professions connexes (police, agents correctionnels, services aux victimes et professionnels du droit) pourraient devoir acquérir de nouvelles compétences et se voir attribuer de nouvelles responsabilités en raison de l’utilisation des audiences virtuelles. Il serait utile d’étudier les effets de l’évolution de ces rôles et responsabilités dans l’ensemble du secteur de la justice, ainsi que les enjeux connexes de recrutement et de maintien en poste du personnel.
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