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JUSTICE AXÉE SUR LES USAGERS : QUELQUES EXEMPLES CANADIENS

 

Déclaration du Comité d’action

Notre Comité appuie les tribunaux canadiens dans leurs efforts de modernisation. Le Comité élabore des orientations pour relever les défis et souligne des possibilités et des pratiques novatrices pour moderniser les activités judiciaires et améliorer l’accès à la justice pour les usagers des tribunaux.

1. Contexte et Historique

Les tribunaux du Canada sont au service de la population canadienne et leurs portes sont ouvertes au public, mais la justice qu’ils rendent peut souvent paraître éloignée de la vie des gens. Comme l’a souligné le Comité d’action dans sa publication intitulée Comprendre la justice axée sur les usagers, une étape importante pour parvenir à un accès équitable à la justice pour les plaideurs, les victimes et les témoins consiste à filtrer les décisions concernant les efforts de modernisation et la prestation de services au quotidien sous un angle qui utilise comme point de départ les besoins et les perspectives de ces usagers des tribunaux. En s’appuyant sur ces orientations, ce répertoire non exhaustif fournit des exemples concrets d’initiatives axées sur les usagers dans l’ensemble du pays. Le Comité d’action accueille la rétroaction sur d’autres initiatives et pratiques exemplaires qui pourraient figurer ici.

2. Exemples

En cherchant à mieux comprendre et à intégrer les besoins et les perspectives des usagers des tribunaux dans leur travail, des institutions et des organismes dans l’ensemble du système de justice canadien ont adopté une approche axée sur les usagers dans la conception et la prestation de leurs services. Bien que le Comité d’action se concentre d’abord sur le soutien à la modernisation des tribunaux plutôt que sur le système de justice dans son ensemble, les tribunaux peuvent apprendre de l’expérience des institutions connexes. Dans cette optique, ce répertoire contient des exemples provenant d’un large éventail d’intervenants de la justice afin d’inspirer un changement axé sur les usagers dans les tribunaux du Canada qui souhaitent moderniser leurs activités et améliorer l’accès à la justice pour tous.

2.1 Répondre aux commentaires des usagers 

Après avoir collaboré avec les intervenants concernés, la Cour provinciale de la Colombie-Britannique a pris des mesures pour faciliter l’accès au tribunal. Selon la rétroaction des usagers, le fait d’assister aux enquêtes préliminaires par vidéoconférence plutôt que d’avoir à se rendre en personne au tribunal améliorait l’accès à la justice. En se fondant sur cette rétroaction et sur les procédures mises en place pendant la pandémie de COVID-19, la Cour permet désormais aux personnes d’assister aux audiences préalables au procès par vidéoconférence, notamment les audiences de mise en liberté provisoire, les conférences préliminaires en matière pénale et les affaires courtes comme les conférences relatives à la cause en matière familiale et les conférences de règlement à l’amiable en matière civile, de même qu’aux audiences de détermination de la peine en matière pénale où aucune des parties ne demande une peine d’emprisonnement. Pour en apprendre davantage sur le projet de mise en liberté provisoire virtuel de la Cour, veuillez consulter la publication du Comité d’action Mise en liberté provisoire en mode virtuel : feuille de route pour la mise en œuvre. De plus amples informations sur la comparution virtuelle figurent dans l’avis 21 de la Cour intitulé Remote Attendance in the Provincial Court (Comparution à distance devant la Cour provinciale – avis en anglais seulement).

La Cour a constaté que les comparutions à distance éliminent souvent des obstacles tels que la nécessité de prendre un jour entier de congé, de trouver une solution liée à la garde d’enfants et de résoudre des problèmes de transport pour se rendre au tribunal en personne. Elles peuvent également éviter aux détenus d’être transportés hors de leur communauté locale, loin de leurs services de soutien, pour comparaître devant le tribunal pour des questions préliminaires. Cependant, puisque certains n’ont pas accès à Internet ou ne maîtrisent pas la technologie, la Cour a veillé à ce qu’il y ait toujours un processus leur permettant de demander à comparaître en personne.

2.2 Fournir un accès à la justice en ligne

Le Civil Resolution Tribunal (CRT) de la Colombie-Britannique est un tribunal en ligne qui traite de copropriétés (condominiums), d’assurance accident, de petites créances, de la distribution non consensuelle d’images intimes et de questions relatives aux sociétés et aux associations coopératives. Avant qu’une plainte ne soit déposée, le CRT propose un « explorateur de solutions », soit un système d’expertise juridique gratuit qui fournit des renseignements et des options juridiques personnalisés en fonction de la réponse de l’usager à des questions simples à propos de son problème.

Plutôt que de demander aux professionnels du droit comment concevoir le système, les consultations pour la mise sur pied du CRT ont commencé par les usagers finaux potentiels, y compris ceux qui rencontrent le plus d’obstacles pour accéder au système de justice traditionnel. Cette approche a inspiré la nature asynchrone du processus du CRT, qui reflète les préférences des usagers pour que le système soit accessible en tout temps. Parmi les autres éléments du processus du CRT axés sur les usagers, notons la simplification du formulaire de triage en supprimant les questions superflues et l’utilisation d’un outil en ligne pour s’assurer que tous les documents sont rédigés à un niveau de lecture de sixième année. Le CRT guide les usagers tout au long de son processus, et les renseignements sont présentés selon la formule du « juste à temps » à mesure qu’ils deviennent applicables.

Depuis sa création en 2016, le CRT a recueilli une rétroaction continue au moyen de sondages auprès des usagers et de tests de nouveaux outils. Cette rétroaction est agrégée et publiée dans son rapport annuel, et aide à la fois le CRT et le public à savoir ce que le CRT fait bien et ce qu’il doit améliorer.

2.3 Soutenir les personnes qui n’ont pas de représentation professionnelle

Le Tribunal de la sécurité sociale du Canada (TSS) a lancé un service d’accompagnement pour combler le manque de soutien aux usagers du tribunal dû au faible taux de représentation professionnelle chez ceux-ci. Les personnes qui ne sont pas représentées par un professionnel se voient attribuer un accompagnateur qui les guide tout au long de la procédure d’appel devant le tribunal, qui répond à leurs questions et qui les aide à se préparer à l’audience. Ces usagers reçoivent des appels à des moments clés du processus, mais ils peuvent également téléphoner à leur accompagnateur lorsqu’ils ont une question. Bien que les accompagnateurs ne soient pas des avocats et ne puissent pas fournir de conseils juridiques, ils peuvent aider les usagers à comprendre quels documents ils doivent préparer, comment chercher les décisions sur le site Web du tribunal et à quoi s’attendre lors d’une audience. Un examen récent du programme du personnel accompagnateur, qui a été lancé en 2019, a évalué le succès du programme sur la base d’une combinaison d’examen de documents et d’entretiens avec d’anciens usagers du tribunal, d’accompagnateurs et de représentants du gouvernement qui ont participé à la conception du programme. Cet examen a révélé que le programme a permis de réduire le stress des usagers du tribunal et d’améliorer leur expérience lors des audiences.

D’autres exemples de justice axée sur les usagers au sein du TSS figurent dans son rapport d’étape 2022-2023. Voici certaines des initiatives qui y figurent :

  • Le lancement de règles de procédure en langage clair, conçues à la suite d’une vaste consultation et destinées aux personnes qui utilisent les services du TSS. Les renseignements sont regroupés par thème pour rendre la consultation des règles plus conviviale et des phrases simples et courtes sont utilisées pour expliquer les idées compliquées.
  • La simplification de la procédure d’appel, qui permet notamment aux parties de demander plus facilement un délai ou le report d’une audience.
  • L’amélioration du site Web en fonction de la rétroaction obtenue au moyen de tests auprès des usagers et d’un rapport externe. Parmi ces améliorations, notons l’ajout d’un contenu plus visuel, comme des feuilles de route imprimables, et la simplification du processus de rétroaction pour les usagers grâce à l’ajout d’un bouton au bas de chaque page.

2.4 Faire évoluer la culture pour tenir compte des besoins des usagers

En collaboration avec la magistrature, le ministère du Procureur général de l’Ontario (MPG) entreprend une initiative d’optimisation relative au numérique pour les tribunaux qui regroupera dans une seule plateforme une gamme de services numériques pour les tribunaux de l’Ontario, y compris le dépôt et la gestion de documents, les audiences virtuelles et le paiement de frais. Compte tenu de la taille et de la portée du projet, le MPG canalise son premier cycle de consultation des usagers vers ceux qui soutiennent les efforts de gestion du changement au sein des tribunaux. Grâce à des entretiens et à des groupes de discussion, le MPG a pu mieux comprendre comment les personnes qui travaillent dans le système judiciaire utilisent et traitent les renseignements, et les défis qui ont dû être surmontés en raison de l’adoption rapide de la technologie en réponse à la pandémie de COVID-19. Bien que la configuration de la nouvelle solution numérique en soit encore à ses débuts, des champions du changement ont été identifiés dans l’ensemble du système pour soutenir une transition efficace. Grâce à ce processus, le MPG a renforcé sa capacité de recherche sur les usagers et utilisera cette nouvelle expertise pour étendre sa portée aux usagers finaux des tribunaux dans la prochaine phase de l’initiative, y compris les justiciables non représentés par un avocat. 

2.5 Concevoir des outils pour soutenir l’accès à la justice

Des organismes d’éducation juridique de partout au pays ont conçu des outils pour aider les justiciables, en particulier ceux qui ne sont pas représentés par un avocat, à résoudre leurs problèmes juridiques et à répondre à leurs besoins à cet égard.

  • La Public Legal Information Association of Newfoundland and Labrador dispose d’un générateur de formulaires de droit de la famille (site en anglais seulement) qui guide les justiciables dans la création de tels formulaires.
  • Éducation juridique communautaire Ontario (CLEO) a créé un outil en ligne, appelé Parcours guidés, qui remplit automatiquement des formulaires pour bon nombre d’enjeux juridiques courants, notamment en matière de droit de la famille et de petites créances, en fonction des réponses données à une série de questions. En plus de remplir les formulaires, la plateforme permet à l’usager de dresser une liste de contrôle personnalisée et d’y ajouter ses propres notes.

2.6 Entreprendre un dialogue avec le public

Bon nombre d’organismes dans l’ensemble du pays ont mené des consultations approfondies sur les besoins juridiques des Canadiens et leur expérience liée au système de justice. Les données recueillies lors de ces exercices peuvent constituer une source importante de renseignements pour les tribunaux sur les besoins et les souhaits des usagers.

  • Pendant quatre ans, la Nova Scotia Barristers Society, le Nova Scotia Access to Justice Coordinating Committee, puis le Nova Scotia Access to Justice and Law Reform Institute ont mené un projet intitulé #TalkJustice (site en anglais seulement), dans le cadre duquel ils ont rencontré plus de 400 personnes partout en Nouvelle-Écosse pour en apprendre davantage sur leur expérience liée au système de justice et sur ce que l’accès à la justice signifie pour eux. Ce projet a donné lieu à une série d’ateliers interactifs, de présentations et de conférences, ainsi qu’à une série de rapports (en anglais seulement) contenant des renseignements utiles sur la façon dont les Néo-Écossais ont vécu l’expérience du système de justice.
  • L’Alberta Law Foundation a réalisé une évaluation des besoins juridiques en milieu communautaire (en anglais seulement) en associant une analyse documentaire et des données sectorielles à des sondages, des entretiens et des discussions de groupe pour comprendre les besoins juridiques des habitants de la province. Le projet de recherche a cerné 12 domaines prioritaires de besoins juridiques, notamment pour les peuples autochtones, les jeunes, les litiges entre propriétaires et locataires, les services dans les palais de justice et les besoins des communautés éloignées. Les résultats sont utilisés par la communauté, avec le soutien de la Fondation, pour élaborer des stratégies visant à combler les lacunes en matière de services et de recherche juridiques dans la province.

2.7 Travailler ensemble pour soutenir les usagers des tribunaux

Access to Justice BC (A2JBC – site en anglais seulement) est un regroupement de personnes et d’organismes déterminés à améliorer l’accès à la justice en matières civile et familiale en adoptant une approche axée sur les usagers. Ce groupe est présidé par le juge en chef de la Colombie-Britannique et comprend des membres représentant plus de 30 organismes judiciaires et intersectoriels, y compris tous les niveaux de cour, les tribunaux administratifs, le barreau et la société civile. Pour soutenir la transition vers un système véritablement axé sur les usagers, l’A2JBC a élaboré un cadre de mesure (en anglais seulement) afin d’aligner les efforts des membres sur une approche partagée pour suivre et évaluer les améliorations de l’accès à la justice en Colombie-Britannique. Grâce à ce cadre et à ses plus de 50 signataires, l’A2JBC favorise l’accès à la justice en encourageant, entre autres, une évolution vers un secteur de la justice qui offre :

  • un meilleur accès de la population à la justice;
  • une meilleure expérience de l’accès à la justice pour les usagers;
  • une réduction des coûts.

L’A2JBC mène également des initiatives visant à améliorer le secteur de la justice, notamment l’initiative Transform the Family Justice System Collaborative (en anglais seulement), qui rassemble des partenaires pour traiter les impacts intergénérationnels des expériences négatives vécues durant l’enfance et parvenir au bien-être des familles. L’A2JBC a aussi soutenu la création d’un Justice Data and Design Lab et d’un Family Justice Innovation Lab (en anglais seulement), qui visent la collecte de données relatives à l’expérience des usagers ainsi que le soutien et l’établissement de prototypes en vue de refondre des services de justice ou de créer de nouveaux services.

En réunissant tous les intervenants concernés, l’A2JBC favorise l’apprentissage et le soutien mutuel et permet au secteur de la justice en Colombie-Britannique d’améliorer sa capacité de surmonter les obstacles complexes liés à l’accès à la justice dans la province.

2.8 Autres exemples tirés des publications du Comité d’action

D’autres exemples de tribunaux ayant modifié leurs pratiques pour prendre en compte et intégrer les besoins et les perspectives des usagers finaux figurent dans diverses publications du Comité d’action.

2.8.1 Soutenir les personnes autochtones accusées

Comme le souligne le document intitulé Rôle des conseillers parajudiciaires autochtones dans les instances pénales, le Programme des conseillers parajudiciaires autochtones (CPA) apporte soutien et assistance aux personnes autochtones qui tentent de s’orienter dans le système de justice canadien. Les CPA soutiennent une population particulière d’usagers des tribunaux qui a été marginalisée dans le passé, tout en poursuivant les objectifs du programme, à savoir :

  • donner aux Autochtones les moyens de comprendre leur droit de s’exprimer en leur propre nom;
  • accroître la sensibilisation et la compréhension du contexte et des expériences autochtones auprès des administrateurs du système de justice;
  • éliminer les obstacles à la communication entre les Autochtones et les intervenants du système de justice.

2.8.2 Concevoir des sites Web axés sur les usagers

La publication du Comité d’action sur la Conception de sites Web axés sur les usagers comprend des exemples d’initiatives récentes des tribunaux visant à rendre leurs sites Web plus conviviaux. La section 6 de ce document, intitulée Quelques exemples canadiens, met en lumière des projets récents ou en cours visant à renouveler les sites Web de la Cour suprême du Canada, des tribunaux de la Nouvelle-Écosse, de la Cour de justice de l’Ontario et de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.

2.8.3 Recueillir les points de vue des usagers

La publication du Comité d’action intitulée Recueillir les points de vue des usagers pour soutenir le fonctionnement efficace du système judiciaire met en lumière quatre exemples d’institutions judiciaires canadiennes qui ont consulté les usagers, y compris les usagers finaux, pour connaître leurs expériences liées au système de justice. Voici ces exemples, présentés dans la section 3, intitulée Des exemples inspirants :

  • La Cour d’appel de la Colombie-Britannique, qui a mené un sondage auprès des usagers pour faire le bilan de leur expérience relativement aux mesures d’adaptation liées à la pandémie.
  • La Stratégie de modernisation du droit de la famille du Manitoba, qui a intégré des solutions en matière de services de justice familiale élaborées conjointement avec les Manitobains.
  • Le Comité sur l’accès virtuel à tous les tribunaux de la Nouvelle-Écosse, qui a collaboré avec une organisation d’étudiants bénévoles pour recueillir des commentaires sur l’expérience des personnes marginalisées lors de la transition vers les audiences virtuelles.
  • La Direction des services judiciaires de la Colombie-Britannique, qui mène des entrevues informelles – qu’elle appelle des « interventions » – afin de recueillir instantanément les commentaires des usagers des tribunaux.

2.8.4 Collaborer pour améliorer l’accès à la justice

Les publications antérieures du Comité d’action ont souligné les avantages d’une collaboration avec un large éventail de partenaires, y compris des représentants des populations d’usagers.

  • La publication Collaboration entre les divers intervenants : Pratiques exemplaires et leçons retenues de la pandémie comprend une annexe qui met en lumière le travail du Comité d’accessibilité aux tribunaux de l’Ontario (CATO). En tant que comité multilatéral mandaté pour superviser les progrès vers un système judiciaire accessible aux personnes handicapées, le CATO a réussi à favoriser la prise en compte plus rapide et exhaustive des facteurs d’accessibilité pertinents à l’étape de conception des projets du secteur de la justice en Ontario. Sa combinaison de représentants d’un large éventail d’organismes communautaires – y compris ceux ayant une expérience vécue du handicap, et de champions de haut niveau issus à la fois de la magistrature et du pouvoir exécutif – a soutenu une approche axée sur les usagers pour améliorer l’accessibilité aux tribunaux de l’Ontario.
  • La publication Étude de cas : Incidence de la pandémie de COVID-19 sur les tribunaux du mieux-être de la Nouvelle-Écosse souligne, à la section 2, le rôle important du Comité directeur des programmes des tribunaux du mieux-être. À l’instar du CATO, ce comité directeur réunit des leaders de la magistrature et du gouvernement ainsi qu’un large éventail de partenaires du secteur de la justice et de la communauté. La présence de partenaires communautaires, y compris d’anciens participants au programme des tribunaux du mieux-être et des représentants des communautés autochtones et noires, garantit que les voix et les préoccupations des usagers sont intégrées dans la structure de gouvernance de ce modèle de tribunal spécialisé.