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COMPRENDRE LA JUSTICE AXÉE SUR LES USAGERS

Déclaration du Comité d’action

Notre comité appuie les tribunaux canadiens dans leurs efforts de modernisation. Il fournit des conseils pour répondre aux enjeux et met en lumière les occasions et les pratiques novatrices visant à moderniser les activités des tribunaux et à améliorer l’accès à la justice pour les usagers des tribunaux.

1. CONTEXTE

L’accès équitable à la justice est l’un des principes fondamentaux qui régissent les tribunaux. Il repose sur la conviction que les tribunaux existent pour servir la population, y compris les plaideurs, les victimes et les témoins. Pour atteindre cet objectif, il faut donc établir un équilibre entre les efforts de modernisation et la prestation quotidienne des services dans une perspective qui tient compte des besoins et des points de vue des personnes qui souhaitent recourir aux tribunaux. Autrement dit, comme les dirigeants des tribunaux de partout au pays ont commencé à s’en rendre compte, la modernisation des tribunaux ne sera possible que lorsque les tribunaux écouteront leurs usagers. Le Comité d’action a reconnu cette réalité dans ses publications antérieures, notamment Principes d’orientation : leadership et gestion du changement au sein des tribunaux et Principes d’orientation pour réduire les engorgements et les délais judiciaires. Il considère qu’il est opportun, à mesure que les démarches de modernisation des activités des tribunaux progressent, d’examiner plus en détail la justice axée sur les usagers.

La plupart des gens qui se présentent devant les tribunaux vivent des situations stressantes et nombre d’entre eux sont tenus de participer au système accusatoire. Si leur expérience est négative et qu’ils sentent qu’ils n’ont pas été entendus, ils pourraient hésiter à recourir aux tribunaux pour résoudre des différends futurs. Si rien n’est fait, les justiciables mécontents risquent de perdre confiance dans la capacité du système de justice à répondre aux besoins de la population, ce qui, au bout du compte, est susceptible de nuire à l’ordre social, à la démocratie et à la primauté du droit. Par conséquent, les tribunaux doivent continuellement examiner ce qu’ils font et ce qu’ils pourraient améliorer du point de vue de ceux qui s’adressent à eux pour obtenir justice, tout en jonglant avec des ressources souvent limitées.

2. QUI SONT LES USAGERS?

La proposition selon laquelle les dirigeants des tribunaux augmentent leur capacité à rendre la justice plus accessible lorsqu’ils comprennent les points de vue des usagers est au cœur de la justice axée sur les usagers. Il s’ensuit que, pour bien comprendre les usagers, les tribunaux doivent trouver des moyens d’obtenir leurs points de vue. Mais qui sont les usagers?

Tout changement touchant le fonctionnement d’un tribunal aura une incidence sur les personnes qui y travaillent quotidiennement – les membres de la magistrature, le personnel des tribunaux et les membres de la profession juridique – de sorte que tous ces groupes auront un aperçu privilégié du fonctionnement des processus actuels et des effets pratiques des réformes proposées. Toutefois, servir le public et rendre les tribunaux accessibles aux usagers demeure l’objectif principal. Pour cette raison, bien que la justice axée sur les usagers tienne compte du point de vue de ceux qui travaillent dans les tribunaux, elle se concentre principalement sur les perspectives de ces usagers (y compris ceux qui voudraient recourir aux tribunaux, mais qui ne peuvent le faire en raison des obstacles existants). Comme les professionnels qui travaillent quotidiennement dans les tribunaux, ainsi que ceux qui soutiennent les usagers – notamment les accompagnateurs judiciaires, les conseillers parajudiciaires autochtones, les services aux victimes, les organismes communautaires et les travailleurs sociaux – ont tous des points de vue uniques, la question de savoir qui devrait participer à une initiative axée sur les usagers dépendra du contexte. Or, le point de départ d’une approche axée sur les usagers devrait être de chercher à comprendre les bénéficiaires ultimes du système. Pour ce faire, on peut consulter principalement les usagers eux-mêmes, et ensuite les acteurs connexes au sein du système et de la communauté pour mieux comprendre le contexte ainsi que les enjeux et les processus s’y rapportant, au besoin.

3. INDÉPENDANCE JUDICIAIRE ET COMPRÉHENSION DES USAGERS

L’indépendance et l’impartialité judiciaires sont renforcées par la compréhension de la vie et des expériences des personnes qui comparaissent devant un tribunal. Comme il est reconnu dans les Principes de déontologie judiciaire du Conseil canadien de la magistrature, les juges servent la population, et pour se préparer à entreprendre leur travail avec compétence et diligence, ils peuvent se renseigner sur les expériences du grand public, y compris les questions liées au contexte social.

4. PRINCIPES DIRECTEURS

Les principes suivants peuvent aider à orienter l’adoption d’une approche axée sur les usagers dans la modernisation des activités des tribunaux à toutes les étapes ou phases d’un processus donné.

4.1 La communication favorise la responsabilisation et renforce la confiance des usagers

Il convient de communiquer clairement les objectifs et la portée du travail; d’indiquer que la participation à toute initiative est volontaire et n’aura pas de conséquences négatives sur les usagers participants; d’expliquer comment les renseignements recueillis seront utilisés et que seules les données anonymisées seront partagées ou rendues publiques, selon le cas; et de communiquer les résultats – y compris ce qui a été entendu et appris, les mesures prises et les raisons pour lesquelles des suggestions clés ne sont pas mises en œuvre – de sorte que les usagers sentent que leurs besoins et leurs points de vue ont été entendus.

4.2 La collaboration entre les divers intervenants peut aider à recueillir et à comprendre les points de vue des usagers

Il convient d’établir des partenariats ou des relations de travail avec les acteurs connexes du système et de la communauté qui appuient les opérations et les usagers des tribunaux. Ces acteurs disposent d’informations pertinentes qui peuvent aider à identifier et à comprendre les usagers touchés, leurs besoins et leurs expériences. Dans certains cas, ces acteurs peuvent également être les mieux placés pour échanger avec les usagers et agir en tant qu’intermédiaires compte tenu de la relation de confiance déjà existante. La fiche-conseil du Comité d’action intitulée Collaboration entre les divers intervenants fournit de plus amples renseignements et des conseils sur les avantages et les éléments clés d’une collaboration réussie.

4.3 Répondre aux divers besoins des usagers favorise un accès à la justice plus équitable

Différents types d’usagers peuvent vivre le même processus très différemment, en fonction de leurs caractéristiques personnelles, culturelles et socio-économiques, et dans certains cas, en raison de besoins spéciaux. Il faut tenir compte des différents groupes d’usagers touchés et définir leurs besoins spécifiques pour faire en sorte que les processus soient adaptés à ces besoins. Les groupes pertinents peuvent inclure, par exemple, les plaideurs non représentés; les personnes qui se heurtent à des obstacles supplémentaires pour accéder à la justice, comme des déficiences physiques ou des problèmes de santé mentale, des barrières linguistiques, des traumatismes culturels ou historiques; les Autochtones; les personnes issues de minorités racisées; les immigrants et les réfugiés; ou les personnes vivant dans des régions éloignées ou étant en situation d’itinérance.

5. ADOPTER UNE VISION DE LA JUSTICE AXÉE SUR LES USAGERS

La notion de la justice axée sur les usagers est une façon de penser et de travailler. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une formule stricte, l’application d’une vision de la justice axée sur les usagers aux efforts de modernisation et à l’amélioration de la prestation quotidienne des services comporte généralement trois phases fondamentales, notamment :

  1. Préparation en vue de la consultation des usagers
  2. Conception et mise en œuvre des moyens de consultation des usagers
  3. Planification et mise en œuvre des changements en fonction de la rétroaction des usagers

Ces phases se chevauchent souvent et l’une ou l’autre peut être répétée au besoin. De plus, des étapes ou phases peuvent être ajoutées si nécessaire ou approprié. Même si les phases ne suivent pas rigoureusement une séquence linéaire ni ne sont totalement distinctes et séparées, une liste de contrôle des éléments à prendre en considération pour aider à passer à travers chacune d’elle se trouve en annexe à cette publication.

5.1 Préparation en vue de la consultation des usagers

Cette première phase pose les bases nécessaires à la création des conditions optimales pour la consultation des usagers. L’objectif principal est de recueillir des renseignements qui existent déjà tout en adoptant une approche axée sur les usagers. Les renseignements ainsi recueillis aident à définir la question à examiner, les usagers et les acteurs connexes du système et de la communauté à consulter, ainsi que les paramètres de l’initiative de consultation.

Les principaux résultats attendus de cette phase sont les suivants :

  • Définir la question à examiner qui nécessite le point de vue des usagers.
  • Déterminer ce qui est déjà connu et ce qui doit être appris des usagers et des autres personnes dans le système.
  • Obtenir de la rétroaction sur l’appréciation du processus ou de la pratique judiciaires actuels du point de vue de l’usager.

Les principales activités et considérations de cette phase sont les suivantes :

  • Recueillir les renseignements existants qui peuvent donner un aperçu de ce que vivent les usagers et du contexte social. Il peut s’agir de lettres ou de plaintes reçues par le tribunal, d’observations du personnel de première ligne ou d’acteurs connexes, d’études, de rapports et de recherches déjà réalisés, ou de consultations antérieures menées par le tribunal même ou un autre tribunal. Il sera important pour les usagers de voir que l’on a pris le temps « d’écouter » ce qu’ils ont déjà dit et d’apprendre à les connaître et à connaître leur expérience avant de communiquer avec eux. Il est souhaitable d’utiliser efficacement le temps de chacun en ne revenant pas sur les renseignements déjà recueillis. Schématiser les renseignements recueillis sous forme de calendriers, de processus ou de feuilles de route aidera à organiser les renseignements et à déterminer quels renseignements manquants pourraient être fournis par les usagers.
  • Déterminer l’envergure de l’initiative: Les ressources, le temps et la capacité disponibles auront une incidence considérable sur l’envergure de la consultation qui peut être entreprise. Il peut être préférable d’entreprendre une initiative de moindre envergure qui peut être menée et mise en œuvre avec plus de succès que de demander aux gens de donner leur avis sur la façon d’améliorer les processus ou les pratiques sur lesquels le tribunal n’a aucun contrôle ou pour lesquels il n’a pas les ressources nécessaires. Commencer modestement et mettre en œuvre des initiatives ciblées peut donner l’élan et la confiance nécessaires pour instaurer une culture axée sur les usagers de façon permanente.
  • Identifier les usagers et les acteurs connexes au sein du système et de la communauté: La collecte des renseignements existants et la schématisation du processus devraient fournir des informations significatives sur qui utilise le processus ou la pratique judiciaire visée par l’examen ou qui y participe. À ce stade, il est utile de dresser un portrait des usagers et de déterminer quelles sont les personnes les plus touchées et quelles personnes sont des acteurs connexes. Est-ce que tous les usagers du tribunal sont concernés? Des usagers d’un ressort ou d’une division du tribunal en particulier? Des usagers ayant des besoins particuliers ou se heurtant à des obstacles précis? Une fois que le groupe d’usagers a été circonscrit, il est également important de comprendre les caractéristiques, la diversité et la complexité du groupe. S’agit-il d’un groupe largement homogène? Comment le genre, le niveau d’alphabétisation, le handicap, la racisation, entre autres, positionnent-ils différemment les usagers dans ce groupe? Enfin, il convient d’identifier qui sont les acteurs ou intermédiaires communautaires connexes dont le rôle et les actions ont une incidence sur les usagers (avocats, conseillers parajudiciaires autochtones, services aux victimes, accompagnateurs judiciaires, personnel des tribunaux, autres juges et membres du personnel administratif des tribunaux) et de les ajouter au schéma. L’identification de tous ces éléments permettra l’obtention d’un portrait plus global de la perspective et de l’expérience des usagers.

5.2 Conception et mise en œuvre des moyens de consultation des usagers

La conception et la mise en œuvre du processus de consultation des usagers sont au cœur d’une approche axée sur les usagers. Les renseignements recueillis au cours de la première phase ne permettent de voir qu’une partie de la situation, mais peuvent servir à guider la façon de recueillir les renseignements supplémentaires requis auprès des usagers et des acteurs connexes du système et de la communauté et ainsi obtenir un meilleur portrait de la situation.

Les principaux résultats attendus de cette phase sont les suivants :

  • Concevoir une approche de consultation qui est accessible, respectueuse et réalisable et qui favorise la collecte des renseignements les plus pertinents.
  • Entreprendre le processus de consultation dans le but de dresser un portrait complet des usagers et d’avoir une meilleure compréhension de leurs besoins, de leurs points de vue, de leurs expériences et de leur réalité (y compris le contexte social et psychologique environnant).
  • Prêter attention aux changements et aux innovations nécessaires ainsi qu’aux solutions possibles.

Cette phase de l’approche axée sur les usagers peut être complexe. Par conséquent, le Comité d’action a créé une publication connexe intitulée Recueillir les points de vue des usagers pour soutenir le fonctionnement efficace du système judiciaire, qui offre des conseils et des renseignements supplémentaires sur les diverses méthodes qui peuvent être utilisées pour recueillir les points de vue des usagers.

Cela dit, il y a trois considérations clés à prendre en compte dans la conception de la méthode de consultation avant de choisir celle qui sera retenue pour recueillir les points de vue des usagers, à savoir : 1) s’assurer que le processus de consultation est accessible et respectueux; 2) déterminer le type de données qui sera le plus profitable; 3) déterminer ce qui est faisable.

  • S’assurer que le processus de consultation est accessible et respectueux: La conception de la méthode de consultation des usagers doit encore une fois tenir compte des points de vue des usagers, tant pour répondre à leurs besoins que pour protéger leur bien-être. Il est essentiel d’être conscient des besoins technologiques, de la dynamique du pouvoir en jeu, des approches culturellement appropriées et tenant compte des traumatismes, de l’historique des processus de consultation antérieurs et, en général, du contexte social du groupe d’usagers à consulter. Lors de la conception du processus de consultation, il convient de s’assurer que les participants ne sont pas désavantagés ou pénalisés de quelque manière que ce soit. De même, il faut veiller à ce que les communications contiennent suffisamment d’informations pour permettre, comme il se doit, un consentement éclairé à la participation. De façon générale, il est essentiel de veiller à ce que les usagers se sentent véritablement bien accueillis et en sécurité pour faire part de leur expérience afin que le système soit amélioré.
  • Déterminer le type de données qui sera le plus profitable: Il est important de comprendre ce que les différents types de données permettent de retirer comme information et de déterminer le type de données qui sera le plus utile selon le contexte. Il faut se demander s’il serait préférable d’utiliser des données quantitatives, des données qualitatives ou une combinaison des deux. Il convient également de vérifier quels renseignements existent déjà et quel type de données peut contribuer de façon optimale à dresser un portrait complet.
  • Déterminer ce qui est faisable: Compte tenu des deux considérations précédentes, la consultation prévue des usagers, en ce qui a trait à sa conception et à la méthode choisie, doit également être réalisable. Si les usagers formant le groupe visé sont très dispersés géographiquement, il ne sera peut-être pas possible de créer des groupes de discussion dans plusieurs endroits. Toutefois, si le tribunal souhaite répondre aux problèmes d’accès à la justice vécus par les groupes traditionnellement marginalisés, dans un contexte où il serait indiqué d’assurer une présence physique et de démontrer un désir sincère d’apprendre et de résoudre des problèmes, la création de groupes de discussion animés par un intermédiaire de confiance peut s’avérer la méthode idéale.

5.3 Planification et mise en œuvre des changements en fonction de la rétroaction des usagers

Enfin, l’objectif principal de la dernière phase, à savoir la planification et la mise en œuvre, consiste à analyser ce qui a été entendu et appris lors du processus de consultation des usagers pour établir et mettre en place des solutions, des changements et des réformes.

Les principaux résultats attendus de cette phase sont les suivants :

  • Rassembler, synthétiser et analyser ce qu’on a entendu et appris des usagers et des acteurs connexes.
  • Relever les tendances dans les points de vue, les thèmes communs, les positions communes et les sujets de désaccord, et les interpréter dans le contexte de l’expérience vécue par les usagers du système de justice en général.
  • Planifier et mettre en place des changements et des réformes en fonction des besoins et des points de vue communiqués.
  • Évaluer si les changements produisent le résultat escompté.

Les principales activités et considérations de cette phase sont les suivantes :

Comprendre les renseignements recueillis : Une fois les renseignements des usagers et des acteurs connexes rassemblés et synthétisés, que peut-on retirer des renseignements, des données, des récits et des expériences? Il importe de déterminer qui est le mieux placé au sein des tribunaux ou parmi les collaborateurs pour analyser et interpréter cette information, en tenant compte du point de vue des usagers, du système dans son ensemble et du contexte social.

Planifier le changement : À partir du portrait complet du contexte, de l’expérience et des besoins des usagers alors obtenu, il faut trouver des solutions et des changements qui pourraient être adaptés à ce qui a été appris. Il est utile de faire un remue-méninges et de trouver plusieurs solutions, puis de les mettre à l’épreuve pour voir celles qui sont les plus réalisables et les plus pertinentes. À condition de ne pas oublier les changements nécessaires les plus ambitieux qui nécessitent du temps et des ressources, la mise en œuvre de changements rapides et peu coûteux permet de maintenir l’élan et d’aider les usagers à sentir que leur contribution a été entendue et appréciée. Il peut être envisagé de modéliser des idées à petite échelle pendant une courte période pour voir si elles donnent les résultats escomptés avant de mettre en œuvre la solution à grande échelle.

Le contexte élargi doit être gardé à l’esprit. Quelle coopération pourrait être requise pour que la solution fonctionne, et quelle sera l’incidence de la solution sur d’autres acteurs ou aspects du système de justice dans son ensemble? Il convient de s’assurer que la solution ne transfère pas simplement le problème hors des tribunaux, à un autre endroit du système, et que l’usager n’en tire, en fin de compte, aucun bénéfice.

Mise en œuvre, évaluation et ajustement : Les dernières étapes consistent à d’abord mettre en œuvre les solutions proposées, puis à déterminer si elles ont effectivement répondu aux besoins des usagers et eu une incidence positive sur eux. Il faut déterminer quelles seraient les méthodes optimales pour mesurer et évaluer la solution mise en œuvre. Est-il possible d’avoir un lien permanent avec les usagers et d’obtenir leur rétroaction sur une base régulière? Un type de bulletin ou d’analyse des données statistiques recueillies pourrait-il être utile? Pour les initiatives plus ambitieuses, il pourrait être utile de mettre en place une stratégie de consultation et de modernisation itérative et continue dans le cadre de laquelle les processus de consultation et de réforme auraient cours de manière régulière.

ANNEXE
LISTE DE CONTRÔLE
POUR LES RÉFORMES JUDICIAIRES AXÉES SUR LES USAGERS ET LES INITIATIVES DE MODERNISATION

I. Préparation en vue de la consultation des usagers

Principaux résultats attendus :

  • Définir la question à examiner qui nécessite le point de vue des usagers.
  • Déterminer ce qui est déjà connu et ce qui doit être appris des usagers et des autres personnes dans le système.
  • Obtenir de la rétroaction sur l’appréciation du processus ou de la pratique judiciaires actuels du point de vue de l’usager.

Recueillir les renseignements existants : Recenser les ressources qui donnent un aperçu de l’expérience des usagers.

  • Déterminer ce qui est connu :
    • simplement à la suite d’un travail quotidien et de réflexions continues;
    • à partir de lettres, de plaintes ou de requêtes d’usagers;
    • à partir des rapports médiatiques sur les expériences des usagers;
    • à partir de la communication informelle avec les usagers, le personnel de première ligne ou des collègues;
    • à partir d’études, de rapports ou de recherches déjà réalisés dans le domaine;
    • par l’observation des usagers des tribunaux tout au long du processus judiciaire.
  • Identifier les sources de friction qui nécessitent une attention particulière.
  • Utiliser une approche globale qui tient compte de l’expérience et du point de vue des usagers, mais aussi des éléments du contexte élargi qui peuvent alimenter le problème.

Déterminer l’envergure de l’initiative : Déterminer l’envergure appropriée et réaliste de l’initiative ou l’ampleur du changement souhaité.

  • Déterminer les ressources, les échéanciers et la capacité disponibles pour l’initiative de consultation.
  • Évaluer s’il existe une volonté d’examiner une question isolée ou si l’initiative peut viser un changement plus systémique qui aurait une incidence sur le processus judiciaire élargi.
  • Étant donné qu’il est peu probable qu’un tribunal puisse répondre à tous les changements nécessaires en même temps, déterminer les changements les plus importants. Prendre en considération :
    • ce qui générera les plus grandes retombées;
    • les contextes dans lesquels le tribunal peut répondre le plus efficacement, en fonction des ressources disponibles et du contrôle qu’il exerce;
    • la possibilité de mettre en place des mesures rapides qui permettraient d’amorcer un changement pertinent axé sur les usagers.
  • Identifier les acteurs pertinents et les relations de travail collaboratives qui peuvent soutenir les efforts de consultation.

Identifier les usagers et les acteurs connexes du système et de la communauté : Identifier les usagers les plus touchés par le processus judiciaire concerné, ainsi que d’autres acteurs qui sont naturellement liés au processus.

  • Tenir compte des différents groupes qui vivront le processus judiciaire différemment :
    • Évaluer comment le genre, le niveau d’alphabétisation, le handicap, la racisation, l’itinérance, la santé mentale et l’orientation sexuelle, entre autres, influent sur l’expérience des usagers.
    • Identifier les groupes qui peuvent nécessiter une attention particulière parce qu’ils sont dans une situation différente ou marginalisée. Ce faisant, tenir compte d’un échantillon représentatif diversifié de ces populations afin d’assurer une représentation exacte.
  • Décider si le processus de consultation sera axé sur tous les usagers ou s’il y a des groupes qui sont particulièrement concernés compte tenu du contexte (il pourrait s’agir de victimes, d’usagers marginalisés ou de plaideurs non représentés).
  • Déterminer qui joue un rôle dans le processus judiciaire et le contexte connexe.
  • Identifier :
    • les acteurs et les ressources importants du processus judiciaire du point de vue de l’usager;
    • qui fournit un soutien aux usagers tout au long du processus judiciaire;
    • qui fournit des renseignements aux usagers sur le processus judiciaire.
  • Envisager de recueillir des informations auprès d’usagers ayant différentes perspectives afin d’obtenir une compréhension globale, notamment, par exemple, auprès des jurés qui sont des parties neutres mais qui sont des témoins ou des acteurs directs du système.
  • Se préparer à une éventuelle résistance, en particulier de la part de ceux qui, au sein du système, peuvent trouver le changement difficile.
    • Considérer ce que l’on peut apprendre d’une telle résistance.
    • Veiller à ce que ces préoccupations soient réellement entendues et à ce qu’on y réponde.
    • Faire savoir que les préoccupations sont légitimes et qu’elles ont été prises en compte.

II. Conception et mise en œuvre des moyens de consultation des usagers

Principaux résultats attendus :

  • Concevoir une approche de consultation qui est accessible, respectueuse et réalisable et qui favorise la collecte des renseignements les plus pertinents.
  • Entreprendre le processus de consultation dans le but de dresser un portrait complet des usagers et d’avoir une meilleure compréhension de leurs besoins, de leurs points de vue, de leurs expériences et de leur réalité, y compris le contexte social et psychologique environnant.
  • Prêter attention aux changements et aux innovations nécessaires ainsi qu’aux solutions possibles.

Méthode de consultation : Choisir la méthode la plus accessible et la plus respectueuse pour recueillir les points de vue des usagers; la méthode retenue doit également tenir compte des ressources et de la capacité disponibles.

  • Les éléments à prendre en considération sont les suivants :
    • la taille, la diversité et l’emplacement géographique du groupe d’usagers cible;
    • le degré d’accessibilité de la technologie pour le groupe d’usagers cible;
    • le type d’information le plus utile pour le groupe d’usagers cible;
    • le fait que les usagers ont déjà été consultés dans le passé (vérifier s’il existe déjà des rapports, des études ou des résultats de sondage qui donnent un aperçu de leurs points de vue et de leurs expériences, et s’il existe un risque de désintérêt à l’égard des consultations pour ce groupe);
    • la nature de la relation du tribunal avec le groupe d’usagers ou la communauté particulière;
    • l’importance pour le tribunal d’entendre directement les usagers plutôt que de recourir à un intermédiaire;
    • toute dynamique de pouvoir qui doit être prise en compte et la capacité de s’assurer que les participants sentent que leur participation est entièrement volontaire;
    • la probabilité ou la possibilité de répercussions négatives sur les participants en ce qui concerne leur bien-être social ou émotionnel, notamment les préoccupations liées à la stigmatisation;
    • l’existence d’un intermédiaire de confiance, comme un membre de la communauté cible ayant reçu une formation juridique, qui pourrait servir de point de liaison;
    • l’existence d’universitaires, de groupes communautaires, de travailleurs de la société civile ou de travailleurs de première ligne (tel que des conseillers parajudiciaires autochtones, des cliniques d’aide juridique communautaires ou des organismes œuvrant à l’établissement des réfugiés) ayant déjà des relations de confiance avec les usagers qui pourraient soutenir ou diriger le processus de consultation;
    • le niveau de préparation nécessaire pour s’assurer que la méthode de consultation choisie sera significative, qu’elle tiendra compte des traumatismes et qu’elle sera adaptée à la culture;
    • la question de savoir s’il existe des raisons de travailler avec différents groupes séparément ou ensemble, par exemple si certains usagers ont besoin d’informations avant d’autres;
    • la question de savoir si le fait de réunir les usagers ou d’autres parties permettrait de circonscrire la question plus clairement, de briser les cloisons et de favoriser une meilleure compréhension de l’expérience vécue par les usagers dans son intégralité.

Communication : Élaborer un plan de communication pour s’assurer que les usagers ainsi que les autres personnes concernées reçoivent des renseignements clairs et pertinents tout au long de l’initiative de consultation et de la phase de planification et de mise en œuvre.

  • Travailler avec les experts en communications au sein du tribunal, si possible.
  • S’assurer que les personnes qui seront consultées comprennent l’initiative, les renseignements qu’on leur demande, la façon dont ceux-ci seront utilisés et les résultats attendus de l’initiative, et veiller à ce qu’elles soient en mesure de donner leur consentement éclairé à participer.
  • Répondre à toute préoccupation pertinente en matière de protection de la vie privée concernant les renseignements recueillis et communiquer aux personnes consultées les mesures qui sont prévues pour y répondre.
  • Prévoir une façon de tenir les usagers et les autres parties concernées au courant des progrès de l’initiative.
  • Mettre en place un processus permettant de communiquer ce qui a été entendu aux usagers, de sorte que les personnes consultées sentent que leur contribution compte.

Réflexion et validation : Prévoir des périodes de réflexion et de validation dans le processus de consultation.

  • Au cours de ces périodes de réflexion, vérifier si :
    • toutes les voix pertinentes ont été entendues;
    • les personnes entendues constituent un échantillon représentatif du ou des groupes pertinents;
    • il manque des voix ou des points de vue;
    • ceux qui ont une expérience directe ont participé, ou si les données proviennent principalement de personnes ayant des connaissances indirectes;
    • la consultation à ce jour a permis d’obtenir une meilleure idée des points de vue, des besoins, du contexte social et de l’expérience des usagers en ce qui a trait au processus judiciaire;
    • il y a des points qui doivent être clarifiés ou qui méritent d’être approfondis;
    • il y a eu des occasions de valider de nouvelles perceptions et conclusions (par exemple, par la distribution aux personnes consultées d’un document qui décrit ce qui a été entendu et qui les invite à fournir de la rétroaction);
    • on comprend mieux si d’autres éléments du système de justice ont une incidence sur le processus judiciaire visé ou sur l’expérience que font les usagers de ce processus judiciaire.

III. Planification et mise en œuvre des changements en fonction de la rétroaction des usagers

Principaux résultats attendus :

  • Rassembler, synthétiser et analyser ce qu’on a entendu et appris des usagers et des acteurs connexes.
  • Relever les tendances dans les points de vue, les thèmes communs, les positions communes et les sujets de désaccord, et les interpréter dans le contexte de l’expérience vécue par les usagers du système de justice en général.
  • Planifier et mettre en place des changements et des réformes en fonction des besoins et des points de vue communiqués.
  • Évaluer si les changements produisent le résultat escompté.

Comprendre les renseignements recueillis : Déterminer ce que révèlent les renseignements, les données, les récits et les expériences.

  • Relever les thèmes et les problèmes communs.
  • Recenser les besoins spécifiques des usagers.
  • Déterminer ce qui fonctionne bien, ainsi que les aspects que les usagers considèrent comme dysfonctionnels ou problématiques.
  • Trouver des exemples prometteurs et recenser les meilleures pratiques ainsi que les principaux catalyseurs et moteurs qui les sous-tendent.
  • Définir les obstacles et les contraintes qui empêchent les usagers de vivre des expériences positives.
  • Identifier les acteurs clés qui pourraient être nécessaires pour améliorer les choses.
  • Évaluer ce que révèlent les différents types de données, y compris la façon dont les données qualitatives peuvent aider à donner un sens aux données quantitatives.
  • Vérifier si une personne ou une technologie peut fournir un contexte pertinent ou aider à donner un sens aux renseignements reçus. Il peut s’agir d’experts en la matière, de collègues qui ont des liens avec la communauté visée ou qui en font partie, de consultants ou d’outils logiciels.
  • Déterminer les solutions potentielles auxquelles renvoient les renseignements.

Planifier le changement : Déterminer les acteurs et processus qui seront touchés lorsque le tribunal commencera à planifier les changements. Pour de plus amples renseignements sur la planification des impondérables au sein des tribunaux, consulter la publication du Comité d’action intitulée Leadership et gestion du changement au sein des tribunaux.

  • Déterminer ce qui peut être perfectionné pour améliorer l’expérience et les résultats pour les usagers des tribunaux.
  • Énoncer tous les principes généraux découlant du processus de consultation qui pourraient guider le processus de changement.
  • Recenser les solutions les plus adaptées, les plus simples et les plus rapides à mettre en œuvre.
  • Vérifier si d’autres ressorts ont entrepris des réformes qui pourraient servir de modèle pour répondre à ce qui a été entendu dans le cadre du processus de consultation.
  • Examiner ce que l’on a appris sur le contexte général qui aidera à comprendre l’enjeu et à y répondre.
  • Déterminer l’incidence de la modification du processus judiciaire sur d’autres aspects du système de justice dans son ensemble et déterminer qui doit participer pour s’attaquer aux causes profondes de l’enjeu.
  • Communiquer aux usagers ce qui a été entendu et ce qui sera fait, y compris les raisons pour lesquelles aucune mesure ne sera prise, le cas échéant.

Mise en œuvre, évaluation et ajustement : Définir les éléments clés à prendre en compte au début de la mise en œuvre.

  • Chercher des occasions de modéliser les changements proposés à petite échelle afin de peaufiner les processus et de voir s’ils répondent aux besoins des usagers.
  • Évaluer si les changements produisent les résultats escomptés.
  • Effectuer des ajustements au besoin.