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APPLICATION DE L’ÉNONCÉ DE PRINCIPES DU CONSEIL CANADIEN DE LA MAGISTRATURE CONCERNANT LES PLAIDEURS ET LES ACCUSÉS NON REPRÉSENTÉS PAR UN AVOCAT :

CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES LIÉES À LA PANDÉMIE DE COVID-19

Déclaration du Comité d’action

Notre comité existe afin d’appuyer les tribunaux canadiens dans leurs efforts en vue de protéger la santé et d’assurer la sécurité de tous les usagers des tribunaux dans le contexte de la COVID-19, tout en respectant les valeurs fondamentales de notre système de justice. Ces engagements qui se soutiennent mutuellement guident tous nos efforts.

SITUATION

Dans bien des cas, la COVID-19 et les restrictions ou modifications qui en ont découlé relativement aux activités judiciaires ont accentué les difficultés d’accès à la justice pour les justiciables non représentés (JNR). Depuis le début de la pandémie, il y a eu une explosion du nombre d’audiences virtuelles et de l’utilisation d’autres outils en ligne, par exemple pour le dépôt électronique de documents. Les règles et les procédures ont changé fréquemment à mesure que les tribunaux se sont adaptés à l’évolution des mesures de santé publique et ont ensuite amélioré leurs approches modifiées au vu de ce qui fonctionnait ou pas.

CONTEXTE

Partout au Canada, l’augmentation des coûts de représentation en justice au fil des ans a contraint un nombre accru de justiciables à résoudre leurs conflits judiciaires sans recourir aux services d’un avocat. Or, pour une personne qui n’est pas familière avec le système judiciaire, il peut être difficile de s’y retrouver, et le déséquilibre des ressources et des connaissances joue souvent en défaveur des JNR, particulièrement lorsque la partie adverse est représentée par avocat. Le fait de se représenter sans avocat augmente le fardeau non seulement pour la personne concernée, mais aussi pour les tribunaux et l’avocat de la partie adverse qui doivent veiller au respect des droits en matière d’équité procédurale pour toutes les personnes n’ayant aucune représentation juridique.

En 2006, reconnaissant les difficultés auxquelles les JNR sont confrontés, le Conseil canadien de la magistrature (CCM) a adopté l’Énoncé de principes concernant les plaideurs et lesaccusés non représentés par un avocat. Ces principes, auxquels souscrit la Cour suprême duCanada, sont répartis en trois thèmes :

A. Favoriser le droit d’accès

Les juges, les tribunaux et les autres participants au système judiciaire ont la responsabilité de s’assurer que toutes les personnes, qu’elles soient représentées ou non, puissent comprendre et présenter efficacement leur cause.

B. Favoriser l’égalité de la justice

Les juges, les tribunaux et les autres participants au système judiciaire ont la responsabilité de s’assurer que toutes les personnes, qu’elles soient représentées ou non, aient égalité d’accès au système judiciaire.

C. Les responsabilités des participants au système judiciaire

Tous les participants au système judiciaire ont la responsabilité de comprendre et de remplir leur rôle pour assurer l’égalité d’accès à la justice, y compris l’équité de la procédure.

Sous ces trois thèmes, les principes précisent comment gérer plus efficacement les relations entre, d’une part, les justiciables non représentés et, d’autre part, la magistrature, le personnel des tribunaux et les membres du barreau. En outre, pour mieux soutenir ces justiciables, le CCM a publié en mai 2021 trois manuels détaillés à leur intention, afin de les aider à se débrouiller devant les tribunaux dans les affaires de droit pénal, de droit civil ou de droit de lafamille.

Depuis que le CCM a adopté son énoncé de principes, la proportion de justiciables non représentés n’a fait qu’augmenter. En effet, un rapport de 2016 du ministère de la Justice estime que cette proportion était de 50 à 80 % dans les affaires de droit civil et de droit de la famille. Et maintenant que la pandémie de COVID-19 perturbe les activités judiciaires depuis deux ans, il est possible que bon nombre de mesures mises en place temporairement pour la contrer soient maintenues dans un avenir prévisible, sinon indéfiniment.

CONSIDÉRATIONS PARTICULIÈRES

Pour assurer l’accès à la justice, il est nécessaire d’atténuer les difficultés que la pandémie a causées aux justiciables non représentés en ce qui concerne l’accès aux renseignements et aux services, à la technologie ainsi qu’à d’autres possibilités de recours. À cette fin, l’Énoncé de principes du CCM est plus pertinent que jamais, mais des facteurs supplémentaires doivent être pris en considération pour les appliquer au nouveau contexte.

Accès aux renseignements et aux services

Difficultés

Les justiciables non représentés comptent souvent sur le personnel du palais de justice ou du greffe pour leur fournir les renseignements sur comment procéder dans leur affaire, et sur les ressources qui sont à leur disposition. Or, la fermeture des installations judiciaires, ou les restrictions d’accès à celles-ci, ont réduit l’accès à ces points de contact essentiels. De même, la perturbation des services postaux a nui à la capacité des greffes de poster en temps opportun les formulaires ou les renseignements demandés aux personnes se trouvant en milieu éloigné.

Pour remédier à la situation, bon nombre de tribunaux ont augmenté la quantité d’information disponible en ligne. Cela peut rendre l’information plus accessible et donc consultable de

n’importe où et en tout temps. Cependant, l’accès en ligne à l’information se fait plutôt à sens unique, ce qui ne donne pas l’occasion aux JNR d’interagir avec quelqu’un qui peut les aider à mettre en contexte l’information qu’ils trouvent ou à vraiment la comprendre. Il peut aussi leur être difficile de trouver les renseignements pertinents si les changements aux procédures judiciaires sont éparpillés dans un grand nombre de directives ou ne sont pas présentés en langage clair. De plus, certains JNR pourraient bénéficier de services fournis par l’aide juridique, les avocats de garde ou d’autres systèmes de soutien, mais ne penseront pas à chercher des renseignements sur ces services s’ils en ignorent l’existence.

Par ailleurs, dans le cas des JNR qui ne disposent pas d’un accès fiable à Internet, qui ne sont pas familiers ou à l’aise avec la technologie, qui ont de la difficulté à communiquer en anglais ou en français, ou qui ont des handicaps limitant leur accès à l’information, il peut leur être difficile de trouver ces renseignements en ligne. D’autres peuvent avoir accès à Internet, mais ne pas avoir les compétences suffisantes pour distinguer les renseignements officiels de ceux provenant de sources moins fiables.

Enfin, les JNR ne connaissent souvent pas assez bien le fonctionnement des tribunaux pour savoir où trouver des renseignements sur les façons de procéder, alors que les justiciables représentés par un avocat peuvent se fier à celui-ci parce qu’il se tient au courant de l’évolution rapide des règles de procédure grâce aux avis envoyés aux membres de sa profession, et parce qu’il saura, au besoin, communiquer efficacement avec le personnel des tribunaux.

Principes pertinents du CCM

Favoriser le droit d’accès

Principe 3 : L’information, l’aide et le soutien à l’autoassistance dont les personnes non représentées ont besoin devraient leur être fournis par les divers moyens que ces personnes emploient normalement pour se renseigner, par exemple : brochures, demandes de renseignements par téléphone, demandes de renseignements dans les palais de justice, cliniques d’aide juridique et recherches sur Internet.

Principe 4 : Étant donné l’importance de la consultation juridique et de la représentation par un avocat, les juges, les administrateurs judiciaires et les autres participants au système judiciaire devraient : […] (c) diriger les personnes non représentées vers d’autres sources appropriées d’information, d’éducation, de conseil et d’assistance.

Favoriser l’égalité de la justice

Principe 4 : Si l’une des parties ou les deux ne sont pas représentées, il pourrait être nécessaire d’employer des mesures non préjudiciables et positives de gestion des instances et de salle d’audience, afin de protéger le droit égal des parties de se faire entendre. Selon la nature et les circonstances de l’affaire, le juge qui préside peut : (a) expliquer le processus; (b) demander aux deux parties si elles comprennent le processus et la procédure; (c) diriger les parties vers des organismes capables d’aider les plaideurs à préparer leur

cause; (d) fournir des renseignements sur le droit et les règles de preuve;

(e) modifier l’ordre traditionnel d’administration de la preuve; (f) interroger les témoins.

Les responsabilités des participants au système judiciaire

Principe 1 concernant les juges et les administrateurs judiciaires : Les juges et les administrateurs judiciaires devraient répondre aux besoins d’information, de renvoi, de simplicité et d’assistance des personnes non représentées.

Principe 3 concernant les juges et les administrateurs judiciaires : Dans la mesure du possible, les juges et les administrateurs judiciaires devraient fournir des documents d’information aux personnes non représentées ainsi que des formulaires judiciaires normalisés.

Principe 1 concernant les administrateurs judiciaires : Les administrateurs judiciaires devraient s’efforcer de fournir aux personnes non représentées l’assistance nécessaire pour introduire une instance ou plaider une cause et pour s’y retrouver dans le système judiciaire.

Principe 4 concernant les administrateurs judiciaires : Les administrateurs judiciaires devraient faire comprendre au personnel judiciaire l’importance de l’accès aux tribunaux par le public et ils devraient offrir au personnel judiciaire une formation sur la façon d’aider les personnes non représentées.

Mesures d’atténuation et solutions possibles

• Assurer l’accès à distance au bureau d’information judiciaire et à tout autre service soutenu par le tribunal, par exemple les bureaux d’aide juridique. Sur votre site Web, afficher bien en vue un numéro de téléphone et une adresse courriel permettant aux justiciables d’accéder à ces services à distance.

• Consigner les principales questions que le personnel du greffe se fait poser en personne ou par téléphone, et veiller à ce que les réponses à ces questions soient données clairement et affichées bien en vue sur votre site Web.

• Veiller à ce que le site Web du tribunal soit rédigé dans un langage clair et axé sur les usagers, de façon à aider les JNR à trouver l’information dont ils ont besoin. Revoir les formulaires que votre tribunal utilise, de même que les instructions que vous fournissez pour les remplir, afin de veiller à ce qu’ils soient compréhensibles pour les JNR.

• Sur votre site Web, fournir les renseignements sous différentes formes, notamment au moyen de vidéos ou de webinaires.

• Veiller à ce que votre site Web fournisse des liens clairs vers les renseignements utiles pour les JNR, notamment les trois manuels publiés récemment par le Conseil canadien de la magistrature, de même que des liens à jour vers les directives pouvant avoir une incidence sur les activités des tribunaux, peu importe de quel ordre de gouvernement elles émanent.

• Rendre votre site Web le plus accessible possible dans les principales langues minoritaires parlées au sein de votre communauté, et fournir des coordonnées permettant d’obtenir des renseignements ou de l’assistance dans une langue minoritaire, soit de la part du tribunal, soit par l’intermédiaire de fournisseurs de services externes ou d’associations communautaires.

• Sur votre site Web, fournir l’information dans des formats accessibles aux personnes en situation de handicap, et fournir des coordonnées permettant à ces personnes d’obtenir de l’aide ou des services adaptés.

• Collaborer avec les organisations communautaires pertinentes pour que leur site Web comporte un lien vers celui du tribunal.

• Veiller à ce que la magistrature et le personnel des tribunaux soient conscients des façons de recourir à des fournisseurs de services juridiques ou non juridiques pendant la pandémie, afin de pouvoir en informer les justiciables non représentés.

• Envisager l’élaboration d’une lettre type à l’intention des JNR pour accuser réception de leur dossier et leur fournir des renseignements de base, notamment sur les services de représentation juridique offerts et les autres possibilités de recours.

• Veiller à ce que des documents imprimés demeurent disponibles. Envisager de les fournir aux cliniques de santé, aux centres communautaires, aux bibliothèques ou à d’autres lieux publics où les JNR peuvent aller pour obtenir de l’information sur comment résoudre leurs différends.

Pratiques inspirantes

• Bon nombre de tribunaux canadiens ont élaboré des documents pour aider les justiciables non représentés à s’y retrouver dans le processus judiciaire :

  • Le site Web des tribunaux de la Nouvelle-Écosse comporte une page en langage clair, intitulée Representing Yourself in Court. Celle-ci propose aux JNR des liens vers des ressources clés (dont certaines ressources disponibles en français), y compris celles du Conseil canadien de la magistrature pour les parties non représentées. On y trouve aussi des renseignements sur un projet d’accompagnement des justiciables à la Cour des petites créances, ainsi que des questions et réponses (en anglais et en français) concernant la Cour des successions.
  • La Cour de justice de l’Ontario a élaboré plusieurs guides à l’intention des justiciables non représentés par un avocat, dont le Guide d’autoreprésentation en droit de la familledans le contexte de la COVID-19, qui fournit des renseignements particuliers sur différentes questions, notamment quoi faire quand on a besoin d’un interprète pendant une téléconférence ou une vidéoconférence, et comment se préparer à une audience en personne.
  • Le site Web de la Cour d’appel du Québec propose un certain nombre d’outils, dont un aide-mémoire fournissant des informations complètes, de manière schématique et en langage clair, sur les différentes étapes des procédures d’appel, d’une section

« FAQ », d’un lexique des termes propres à l’appel, de nombreux modèles de procédures en matières ainsi que de listes permettant aux JNR de s’assurer que leurs documents respectent les exigences procédurales applicables avant leur dépôt au greffe. Une liste de ressources complémentaires est également publiée, notamment des organismes communautaires, et inclut des hyperliens vers leurs sites Internet.

  • La Cour d’appel de l’Île-du-Prince-Édouard a préparé des guides en langage clair pour aider les JNR aussi bien dans les affaires pénales que dans les affaires Ces guides sont offerts en version papier au palais de justice, et aussi en version électronique sur son site Web (en anglais seulement), qui comporte aussi des renseignements sur les services de représentation juridique dans la province.
  • La Cour d’appel de la Saskatchewan a élaboré un guide pour les appelants (Guidebook for Appellants) et un guide pour les intimés (Guidebook for Respondents), de même que des diagrammes de processus aussi bien pour les appelants (AppellantsProcess Overview) que pour les intimés (Respondents Process Overview). Le greffe poste régulièrement à des JNR des exemplaires papier de ces guides et des règles de la Cour d’appel, de même que des gabarits (avis de requête, affidavit et déclaration de signification).

• Depuis le début de la pandémie, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta s’appuie sur des outils et des services à distance pour soutenir les JNR. Par exemple, pour aider les JNR qui ne parlent pas anglais, elle utilise les services d’interprétation à distance de LanguageLine à l’étape de l’appel du rôle ou des audiences tenues devant un juge ou un protonotaire préalablement au procès. Les avocats commis d’office à l’aide juridique continuent quant à eux de fournir des services à distance à la cour du rôle en droit de la famille (Family DocketCourt) – notamment pour ce qui est de fournir des renseignements et des conseils, ou pour diriger les personnes concernées vers les bonnes ressources –, et le programme d’aide judiciaire bénévole (Amicus Pro Bono Program) continue lui aussi de fournir de l’aide aux JNR par rapport aux audiences devant un juge ou un protonotaire relativement aux demandes préalables (Justice and Masters Chambers).

• Le Civil Resolution Tribunal (tribunal de règlement des conflits au civil) de la Colombie-Britannique rédige tous ses renseignements dans un langage correspondant à un niveau de scolarité de 6e année et les valide avec un outil de vérification de la lisibilité avant de les publier.

• La Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador fournit des trousses d’information écrite et des copies annotées du Code criminel aux pénitenciers de la province pour veiller à ce que l’information judiciaire soit accessible aux détenus, dont les possibilités de consulter Internet sont souvent limitées.

• Pour éviter la cohue dans les palais de justice pendant la pandémie, la Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador a élaboré un système en ligne (en anglais seulement) pour permettre aux usagers de prendre rendez-vous avec un membre du personnel du greffe. La

Cour a utilisé la même page Web pour faire connaître l’association publique d’information juridique de la province, la PLIAN (Public Legal Information Association of Newfoundland and Labrador), une source d’information particulièrement utile pour les justiciables non représentés. La Cour s’est en outre assurée que les renseignements de la PLIAN étaient à jour en ce qui concerne les formulaires et les procédures judiciaires, de façon à ce que les usagers disposent de multiples moyens de trouver les renseignements pertinents.

Accès à la technologie

Difficultés

Pour atténuer les risques sanitaires associés à la pandémie de COVID-19, les tribunaux canadiens ont rapidement adopté des solutions technologiques pour permettre l’accès aux renseignements, le dépôt de documents ainsi que la tenue d’audiences, et ce, en maintenant la distanciation physique. Dans le secteur de la justice, il est largement reconnu que bon nombre de ces réformes étaient attendues depuis longtemps, et que leur maintien après la pandémie sera constituera un élément important pour améliorer l’accès à la justice et l’efficacité des tribunaux.

Il y a de nombreuses situations où ces innovations technologiques bénéficieront aux JNR, ce qui peut amener une réduction des coûts et du temps consacrés aux comparutions judiciaires. Cependant, les JNR risquent aussi d’être désavantagés s’ils ne disposent pas des outils, des ressources et des connaissances nécessaires pour utiliser ces technologies efficacement ou pour composer avec les difficultés qui peuvent se présenter dans le cadre de leur audience à distance.

Par exemple, un JNR qui n’a pas accès à de l’équipement adéquat ou à une connexion réseau efficace risque de ne pas être en mesure de suivre l’audience à distance s’il a de la difficulté à voir et à entendre ce qui se passe. Par ailleurs, si une personne utilise un téléphone mobile pour tenter simultanément de consulter des documents déposés par voie électronique et de prendre part à une audience virtuelle, ou si elle n’a aucun endroit tranquille où aller pour participer à l’audience, elle ne présentera peut-être pas la même image de professionnalisme et d’efficacité qu’une personne ayant accès à plusieurs appareils et à un dispositif autonome de vidéoconférence. Cela peut donc créer ou exacerber des déséquilibres de pouvoir entre les parties, et peut même avoir une incidence sur l’évaluation du décideur quant à la fiabilité ou à la crédibilité de la partie concernée ou du témoin.

Parallèlement, un JNR qui n’a pas d’ordinateur personnel ou d’accès Internet à domicile devra peut-être payer des frais élevés de données mobiles pour prendre part à une audience à distance. Quant aux JNR qui se fiaient à la bibliothèque locale pour accéder à Internet, il se peut qu’ils aient perdu cet accès durant les fermetures de bibliothèques dues à la pandémie.

Principes pertinents du CCM

Favoriser l’égalité de la justice

Principe 1 : Les juges et les administrateurs judiciaires devraient faire tout le possible pour s’assurer que le processus judiciaire soit équitable et impartial et que les personnes non représentées ne soient pas injustement défavorisées.

Les responsabilités des participants au système judiciaire

Principe 3 concernant les juges : Les juges devraient s’assurer que les règles de procédure et de preuve ne servent pas à nuire injustement aux intérêts juridiques des personnes non représentées.

Principe 4 concernant les juges : Les juges devraient dialoguer avec les associations professionnelles juridiques, les administrateurs judiciaires, les organismes gouvernementaux et les organismes d’aide juridique en vue de créer et d’offrir des programmes pour aider les personnes non représentées.

Principe 1 concernant les administrateurs judiciaires : Les administrateurs judiciaires devraient s’efforcer de fournir aux personnes non représentées l’assistance nécessaire pour introduire une instance ou plaider une cause et pour s’y retrouver dans le système judiciaire.

Mesures d’atténuation et solutions possibles

• Songer à désigner un endroit pour les installations de vidéoconférence, au palais de justice ou dans un autre lieu à l’usage de la collectivité, afin que les personnes n’ayant pas accès à des technologies adéquates puissent s’en servir pour les audiences à distance, et veiller idéalement à ce que du personnel de soutien informatique soit disponible pour y résoudre les problèmes technologiques éventuels.

• Créer un centre de dépannage informatique pour aider les JNR à résoudre leurs problèmes de connectivité, par exemple les interruptions d’appel ou de connexion à une vidéoconférence.

• Pour les audiences à distance, demander que toutes les parties utilisent un effet d’arrière- plan flou, ou offrir des modèles d’arrière-plan à l’usage des JNR, pour que leur environnement ait l’air aussi professionnel que celui des autres. Dans vos instructions aux usagers des audiences virtuelles, inclure des renseignements sur la façon d’utiliser les effets et les arrière-plans en question.

• Permettre la participation téléphonique aux audiences, aussi bien que la participation en ligne, chaque fois que c’est possible : cela offre une solution de rechange si un participant a de la difficulté à accéder à une audience virtuelle, ou s’il se trouve dans un milieu éloigné qui a peut-être accès à un téléphone, mais pas à une connexion Internet fiable.

• Songer à appliquer le principe d’« égalité symétrique », en veillant à ce que toutes les parties puissent comparaître de la même façon devant les tribunaux (autrement dit, si une partie n’est pas en mesure d’utiliser la technologie vidéo, toutes les parties devraient

comparaître par téléphone pour éviter la perception d’iniquité ou les préjugés inconscients). S’il n’est pas possible d’assurer la participation égalitaire d’un JNR à une audience à distance, déployer un maximum d’efforts pour permettre une audience en personne, moyennant le respect de toutes les exigences de santé et de sécurité.

• Lors de la conception d’outils mobiles spécialement adaptés au tribunal, tenir compte des personnes qui y accéderont uniquement au moyen d’un appareil mobile ou d’une technologie adaptée, et intégrer les préoccupations d’accessibilité à la conception de tous les outils technologiques.

• Lorsque les réformes judiciaires intègrent des solutions technologiques, prévoir tout de même des solutions de remplacement pour l’accès aux renseignements et pour le dépôt de documents. Par exemple, si vous prévoyez de rendre le dépôt électronique de documents obligatoire pour les avocats, songer à continuer de permettre aux JNR de les déposer en format papier.

• Dans les cas où il est possible d’assurer une présence en personne au greffe, fournir un accès à des stations Internet et à un téléphone d’assistance, en prévoyant une ventilation et des protocoles de nettoyage appropriés, pour permettre aux JNR d’effectuer leur dépôt électronique lorsqu’ils ont accès sur place au personnel du greffe.

Pratiques inspirantes

• Bon nombre de tribunaux, dont la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, permettent différents modes de participation pour permettre la tenue d’une audience (en personne ou par conférence vidéo ou téléphonique, selon la nature de l’audience).

• La Cour provinciale de la Colombie-Britannique et la Cour d’appel de Terre-Neuve-et- Labrador sont toutes les deux prêtes à passer du mode vidéo au mode conférencetéléphonique pour que l’audience puisse avoir lieu même si l’une des parties a de la difficulté à utiliser la plateforme de vidéoconférence.

• La Cour suprême de l’Île-du-Prince-Édouard a aménagé une salle du palais de justice où les justiciables non représentés qui n’ont pas accès à la technologie peuvent prendre part à des audiences virtuelles pendant le confinement lié à la COVID-19.

• Lorsqu’un JNR n’est pas en mesure d’accéder à un moyen efficace de comparaître à distance, la Cour d’appel du Québec a permis à quelques occasions des audiences hybrides où le JNR comparaît en personne, alors que la partie adverse ayant accès à la technologie appropriée présente ses arguments par un moyen virtuel.

Accès à d’autres possibilités de recours

Difficultés

Les tribunaux canadiens ont réalisé d’importants progrès visant à encourager les particuliers à résoudre leurs différends ailleurs que devant les tribunaux. Dans la plupart des ressorts, il y a des procédures prévoyant le recours obligatoire ou facultatif à des modes substitutifs de règlement des différends, et dans quelques-uns, des modes de règlement judiciaire des

différends sont offerts afin que les questions en litige puissent être réglées en tout ou en partie avant la tenue d’un procès. Les tribunaux ont aussi adopté toutes sortes d’approches de gestion d’instance, où les juges ou des membres du personnel judiciaire collaborent avec les justiciables afin de préciser les questions à résoudre et de veiller à ce que les principaux intéressés soient préparés avant la tenue du procès.

Certaines de ces procédures sont obligatoires, particulièrement en droit de la famille, mais dans d’autres cas, elles s’enclenchent seulement à la demande de l’une des parties. Même avant la pandémie, les justiciables non représentés étaient désavantagés par leur manque de connaissances quant aux recours disponibles, et risquaient donc de rater des occasions de règlement rapide. Or, ce risque peut être accru dans le contexte actuel, et dans le contexte à prévoir après la pandémie, où les audiences virtuelles seront probablement plus courantes qu’avant. En effet, lorsque le juge n’est pas physiquement en la présence du JNR, il peut avoir plus de difficulté à déterminer dans quelle mesure celui-ci comprend la nature de l’instance, de même que les autres recours possibles.

Principes pertinents du CCM

Favoriser le droit d’accès

Principe 1 : Le processus judiciaire doit, dans la mesure du possible, être accompagné de procédures qui favorisent l’accessibilité, la simplicité et la rapidité du règlement des litiges. Ces procédures peuvent comprendre la gestion des instances, les pratiques de règlement extrajudiciaire des conflits, et les conférences informelles de règlement à l’amiable présidées par un juge.

Favoriser l’égalité de la justice

Principe 1 : Les juges et les administrateurs judiciaires devraient faire tout le possible pour s’assurer que le processus judiciaire soit équitable et impartial et que les personnes non représentées ne soient pas injustement défavorisées.

Principe 3 : Lorsqu’il y a lieu, un juge devrait employer des mesures de gestion des instances, selon les besoins, afin de protéger les droits et les intérêts des personnes non représentées. De telles mesures de gestion des instances devraient être prises, autant que possible, dès le début du processus judiciaire.

Les responsabilités des participants au système judiciaire

Principe 1 concernant les juges : Les juges ont la responsabilité de demander aux personnes non représentées si elles savent quels sont leurs choix en matière de procédure et, si non, de les diriger vers les sources d’information existantes. Selon la nature et les circonstances de l’affaire, les juges peuvent expliquer le droit pertinent et ses conséquences, avant qu’une personne non représentée ne fasse un choix décisif.

Mesures d’atténuation et solutions possibles

• Envisager d’encourager la gestion d’instance pour les JNR, afin de s’assurer qu’ils soient au courant de toutes les possibilités qui s’offrent à eux, et adopter à cet égard une approche souple, adaptée à leurs besoins particuliers.

• Envisager de prioriser les JNR au moment de déterminer les affaires à instruire en personne.

• Lorsque des JNR comparaissent virtuellement, prévoir expressément du temps pour trier les affaires à instruire et fournir toute aide nécessaire en matière de procédure avant de passer aux comparutions ou aux audiences.

• Examiner les possibilités de règlement des différends qui s’offrent aux justiciables en droit de la famille (conférences préparatoires, médiation, conciliation, etc.) pour déterminer celles qui pourraient être adaptées au contexte des affaires civiles.

• Envisager la possibilité de conclure un partenariat avec des fournisseurs de services juridiques pour permettre aux JNR d’obtenir une assistance juridique, car cela peut leur donner une bonne occasion de se renseigner sur les processus judiciaires applicables, et sur les autres possibilités de recours.

Pratiques inspirantes

• Pour permettre aux JNR d’opter pour d’autres recours pendant la pandémie, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a pris un certain nombre de mesures, dont les suivantes :

  • recours accru à des conférences de gestion de l’instance et à des conférences préparatoires, qui sont relativement brèves et permettent une gestion anticipée, plutôt que de s’en remettre à une gestion d’instance plus formelle et plus exigeante en ressources, afin d’accroître l’efficacité de résolution des affaires et de gestion des litiges, tout en contribuant à réduire l’arriéré des dossiers judiciaires;
  • introduction de la cour du rôle en droit de la famille (Family Docket Court) dès le début de la pandémie, puis modification du rôle de conseiller en gestion d’instance (Case Management Counsel) pour en faire un conseiller en résolution de dossier (Resolution Counsel), ce qui représente un moyen supplémentaire d’offrir aux JNR des séances d’une demi-journée en médiation familiale et en planification du contentieux;
  • mise en œuvre de la fonction de conseiller en résolution de dossier pour aider les JNR à régler l’affaire ou à planifier le contentieux au cours des audiences relatives aux demandes préalables en droit de la famille (Family Chambers);
  • mise en branle d’un projet de soutien aux personnes endettées (Alberta Debtor SupportProject) à Calgary pour fournir aux JNR des services bénévoles (notamment d’information, de prestation de conseils et de négociation) dans les affaires concernant les défauts de paiement de prêt hypothécaire et les dettes à la consommation.

• À la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, dans les affaires civiles et familiales, le greffe dirige directement tous les justiciables non représentés vers un programme de services juridiques bénévoles. Ces justiciables se font garantir la possibilité de rencontrer un avocat, qui connaît le fonctionnement du processus d’appel et peut leur donner son avis sur le fond de l’affaire ou les rediriger vers d’autres ressources.

• La Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador offre aux JNR des audiences sur l’état de l’instance dans les affaires pénales. Ces audiences ont lieu mensuellement et visent à assurer la progression de l’affaire tout au long du processus d’appel.

• Puisque de nombreux justiciables dans les appels en droit de la famille ne sont pas représentés par un avocat, la Cour d’appel du Québec soumet tous les appels dans ce domaine à la gestion d’instance. Dès que le dossier est ouvert, une lettre est envoyée aux justiciables pour leur indiquer les documents à déposer et les délais à respecter.

• Le fascicule de la Fondation du Barreau du Québec intitulé Seul devant la cour en matièrecivile comporte un chapitre sur les modes de règlement des différends, afin d’assurer que les individus qui utilisent le guide connaissent les options qui s’offrent à eux.

• À la Cour suprême du Yukon, la gestion d’instance est facultative mais encouragée pour les justiciables représentés par un avocat dans une instance civile. En revanche, elle est obligatoire pour les demandeurs et les requérants non représentés. Cela garantit que ces justiciables pourront faire progresser leur cause, même s’ils n’ont pas forcément les connaissances nécessaires pour gérer eux-mêmes l’instance de façon proactive.

PERSPECTIVES SUR L’AVENIR

L’Énoncé de principes du CCM énonce ce qui suit : « En ce qui concerne les personnes non représentées, l’accès à la justice exige que, dans la mesure du possible, tous les aspects du processus judiciaire soient ouverts, transparents, clairement définis, simples, commodes et faciles à comprendre ». À cet égard, la pandémie de COVID-19 a causé de nouvelles difficultés aux justiciables non représentés, mais elle a aussi déclenché un processus de réforme. En effet, les tribunaux ont dû innover pour s’adapter au fait que très peu d’audiences en personne étaient possibles, et que la situation est venue empirer le problème des engorgements et des délais dans l’instruction des affaires. Par exemple, un certain nombre de procédures et de formulaires ont été simplifiés, et les tribunaux ont instauré de nouveaux processus pour trier les affaires, de façon à déterminer celles qui se prêtent à la gestion d’instance ou à d’autres interventions, notamment le règlement rapide des différends, que ce soit dans un contexte judiciaire ou extrajudiciaire. Si ces solutions sont retenues, elles sont susceptibles de bénéficier à tous les usagers des tribunaux, et plus particulièrement aux justiciables non représentés, car elles favoriseront une résolution juste et équitable de leurs problèmes juridiques.